Qui du propriétaire ou de l’architecte doit assumer les conséquences dommageables d’un vice du sol compromettant la solidité de l’édification ?
La question peut paraître, de prime abord, évidente. En effet, si un maître d’ouvrage (le propriétaire), a recours aux services d’un architecte (outre le caractère souvent obligatoire d’un tel recours), c’est précisément dans la finalité d’éviter toute problématique liée à la structure de la construction projetée. Dès lors, il pourrait être tentant de se prononcer immédiatement en faveur de la responsabilité de l’architecte, pour tout dommage résultant d’un vice du sol.
Cela étant, dans les faits, il peut arriver que l’architecte, dans le cadre de sa mission d’expertise, informe et avertisse le maître d’ouvrage de l’existence d’un éventuel risque ou danger que peut présenter les modalités de construction retenues. Or, lorsque le maître d’ouvrage souhaite, nonobstant l’alerte de l’architecte, poursuivre la construction dans les modalités initiales, la question de la responsabilité de l’architecte se pose sous un tout autre angle.
C’est dans ce cadre qu’a eu à se prononcer la 3ᵉ chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt du 15 février 2024.
LES FAITS
Les propriétaires d’un terrain ont confié à un architecte, la mission de réaliser le dossier de permis de construire ainsi que de rédiger les documents de consultation des entreprises en vue de l’édification d’un immeuble.
L’ensemble du processus préalable à l’édification de l’immeuble ayant été réalisée par l’architecte, les travaux ont pu démarrer et aboutir à la construction telle que prévue par les plans.
Malheureusement, de nombreuses fissures sont apparues sur le bien ultérieurement à sa livraison, de sorte que les propriétaires ont assigné, tant l’entreprise ayant assuré la mission de gros œuvre que l’architecte, aux fins de voir leur responsabilité engagée sur le fondement de la responsabilité décennale.
L’architecte sollicita de la juridiction que sa responsabilité soit écartée, dès lors qu’il avait informé les maîtres d’ouvrages de la nécessité de faire réalisation l’étude de sol qui aurait précisément permis d’éviter la survenance du sinistre, conseil qui n’aurait pas été suivi d’effet, selon son argumentation.
La position de la Cour d’appel de Montpellier et de la 3ᵉ chambre civile de la Cour de cassation diffèrent quant à l’imputabilité de la responsabilité entre les maîtres d’ouvrage et l’architecte.
LA POSITION DE LA COUR D’APPEL
Par un arrêt en date du 29 septembre 2022, la Cour d’appel de Montpellier a suivi l’argumentation développée par l’architecte, en considérant que les maîtres d’ouvrage ont été suffisamment informés de l’importance de réaliser l’étude de sol conformément aux prescriptions de l’architecte, et qu’en conséquence, ils avaient accepté les risques inhérents à l’absence de sa réalisation.
Les propriétaires se pourvoient en cassation à l’encontre de cette décision.
LA POSITION DE LA COUR DE CASSATION
Les maîtres de l’ouvrage soutiennent à hauteur de Cassation, qu’en application des dispositions de l’article 1792 du Code civil, le constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître de l’ouvrage, « des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent al solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination ».
Le second alinéa de l’article précité précise que la responsabilité de plein droit de l’alinéa premier n’a pas lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.
La Cour de cassation va considérer que l’architecte ne rapporte pas la preuve d’une cause étrangère en l’espèce.
En effet, celui-ci se contente d’indiquer qu’il a bien averti les maîtres de l’ouvrage ainsi que la société de gros œuvre, de la nécessité de dimensionner les fondations après réalisation d’une étude de sol, sans apporter la preuve que ces plans ont bien été utilisés pour la construction litigieuse.
En conséquence, la Cour de cassation annule l’arrêt de la Cour d’appel, au motif que l’architecte ne rapporte pas la preuve d’une cause étrangère à l’apparition des fissures.
OBSERVATIONS
Cet arrêt rappelle qu’en matière de responsabilité contractuelle, l’architecte, au même titre que le constructeur, pour s’exonérer de sa responsabilité de plein droit prévue par l’article 1792 du Code civil, doit rapporter la preuve d’une cause étrangère, laquelle peut être constituée par l’acceptation des risques par le maître de l’ouvrage.
Néanmoins, il reviendra dans une telle situation à l’architecte de rapporter la preuve irréfutable de l’acceptation des risques par le maître d’ouvrage, par exemple, par la signature d’une décharge de responsabilité, stipulant expressément que l’architecte a accompli son devoir d’information et conseil à son égard, consistant en la réalisation d’une étude, et que nonobstant cette information, le maître de l’ouvrage a souhaité poursuivre le projet sans sa réalisation.
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