L'absence de paiement par le bailleur du prêt immobilier justifie-t-elle les impayés du locataire ?

By mars 28, 2024

La Cour de cassation a récemment eu l’occasion de trancher une question originale, portant sur la justification de l’absence de paiement des loyers par le locataire, du fait de la défaillance du bailleur dans le paiement des échéances de son prêt à taux zéro (Cass. civ. 3, 14 mars 2024, n° 21-25.798).

 

 


RAPPEL

 

Le prêt à taux zéro est un dispositif de soutien à l’accession à la propriété des ménages respectant certaines conditions de ressources. Ce prêt est, comme son nom l’indique, gratuit, et peut porter sur une durée de 20, 22 ou 25 ans, avec une période de remboursement pouvant être différé jusqu’à 15 ans.

Ces avantages emportent cependant certaines obligations à l’égard des emprunteurs, dont notamment, l’obligation « au cours des six années suivant la date de versement du prêt », d’affecter le logement financé à la résidence principale de l’emprunteur, sauf exception prévues par la loi (articles L.31-10-6 et R.31-10-6 du Code de la construction et de l’habitation).

L’article L.31-10-6 du Code de la construction et de l’habitation prévoit la sanction du non-respect de l’une des obligations résultant de l’article L.31-10-6 précité, par l’exigibilité immédiate du capital restant dû au titre du prêt ou l'alignement des modalités du prêt octroyés à celles correspondant aux conditions habituelles du marché.

 

 


L’ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION

 

Dans le cadre d’un contentieux opposant un locataire à son bailleur pour non-paiement des loyers prévus au bail, le premier opposait au second sa défaillance dans le paiement des échéances du prêt à taux zéro dont il était bénéficiaire.

Le locataire fondait ainsi le non-paiement de son loyer par la défaillance du propriétaire dans le paiement de ses propres échéances de prêt.

La subtilité de cette argumentation est la suivante : le locataire soutenait que le bailleur n’était pas fondé à se prévaloir des stipulations du bail, dès lors que ce dernier avait été conclu en violation des dispositions de l’article L.36-10-6 du Code de la construction et de l’habitation, excluant la mise en location du bien.

Aussi originale fût-elle, cette argumentation peine à convaincre les hauts magistrats, qui logiquement, la rejette, en rappelant que les sanctions du non-respect par le titulaire d’un prêt à taux zéro des conditions prévues les dispositions législatives et règlementaires en vigueur sont exhaustivement prévues à l’article L.46-10-7 du Code de la construction et de l’habitation, au nombre desquels ne figure pas la nullité du contrat de bail.

 

 


OBSERVATIONS

 

Le bénéficiaire d’un prêt à taux zéro qui ne respecterait pas les restrictions d’usage du bien ainsi acquis (des dérogations permettent la mise en location d’un bien acquis par un prêt à taux zéro : voir l’article R.46-10-6 du Code de la construction et de l’habitation), ne peut faire l’objet que des sanctions prévues à l’article L.36-10-7 du Code de la construction et de l’habitation, à savoir :

  • L’ajustement des modalités du prêt, afin que les avantages de celui-ci soient effacés au profit d’un prêt aux conditions classiques de marché ;
  • L’exigibilité immédiate du capital restant dû.

 

 


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dernière modification le jeudi, 28 mars 2024 10:54