Les agents immobiliers le savent, dans les deux mois suivant la déclaration d’intention d’aliéner, la personne publique titulaire du droit de préemption notifie sa décision de renoncer à l’exercice de ce droit, ou au contraire, l’informe de sa volonté de se porter acquéreur aux prix et conditions proposés, en se substituant à l’acquéreur originaire, ou à défaut, une offre de se porter acquéreur à un autre prix qu’il détermine, au risque, en cas de refus par le vendeur, de saisir le juge de l’expropriation d’une demande tendant à faire fixer le prix de vente.
Cette décision de la personne publique titulaire du droit de préemption, du fait de l’importante prérogative y attachée, est soumise à diverses conditions de forme et de fond.
La mention express du prix de vente est l’une des conditions requises. Aussi, le Conseil d’état a eu l’occasion de préciser que dans l’hypothèse où la décision de préemption ne contiendrait pas le prix de vente, celle-ci devra être suivie de la communication du prix dans le délai légal de deux mois suivant la déclaration d’intention d’aliéner (CE, 16/05/2001, n° 229739, Commune de Saint-Suliac).
DIFFÉRENCE DE PRIX DANS LA DÉCISION DE PRÉEMPTION
La Cour administrative d’appel de Paris s’est récemment prononcée sur les conséquences d’une divergence entre le prix mentionné en chiffres et celui apparaissant en toutes lettres au sein de la décision de préemption (CAA, 1ère chambre, 29/02/2024, n° 22PA03860).
En l’espèce, la décision de préemption de l’établissement public a été annulée par le Tribunal administratif de Montreuil, au motif que le prix exprimé en toutes lettres « cent-quatre-vingt-dix-mille » euros, diffère du prix en chiffres de « 290.000 » euros.
L’établissement public interjette appel de cette décision, en faisant notamment valoir que conformément aux dispositions de l’article 1376 du Code civil : " L'acte sous signature privée par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s'il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. / En cas de différence, l'acte sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres ".
L’établissement public soutenait ainsi que la décision de préemption était parfaitement conforme au droit, et que l’erreur purement matérielle constituée par la différence entre le prix mentionné en toutes lettres et celui mentionné en chiffre devait être résolue au regard de l’article 1376 du Code civil, faisant prévaloir le prix mentionné en toutes lettres, soit en l’espèce, 190.000€ au lieu de 290.000€.
Tel n’est pas la position retenue par la Cour administrative d’appel de Paris, qui rappelle que les dispositions de l’article 1376 du Code civil n’ont pas vocation à s’appliquer aux décisions de préemption.
La Cour ajoute que cette différence ne saurait être analysée en simple erreur matérielle de pure forme, mais qu’au contraire, elle doit être regardée comme une incohérence affectant un élément essentiel de la décision.
Elle ajoute enfin, qu’une telle décision comportant une divergence entre le prix mentionné en toutes lettres et en chiffres doit être appréciée comme une décision sans prix, prise en méconnaissance des prescriptions de l’article R.213-8 du Code de l’urbanisme.
OBSERVATIONS
Cette décision rappelle aux agents immobiliers la nécessité d'être particulièrement vigilant à la forme de la décision d'une personne publique portant sur la mise en œuvre du droit de préemption. Une erreur formelle est de nature à remettre en cause la validité d'une telle décision !
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