Expropriation d’une construction … sans indemnité pour le propriétaire !

By février 20, 2024

 

L’expropriation pour cause d’utilité publique relève des prérogatives de puissance publique, mises au bénéfice de certaines personnes publiques (l’État, collectivités territoriales, établissements publics…). Cette prérogative a pour effet de porter gravement atteinte au droit de propriété (constitutionnellement garanti) des personnes, tant physiques que morales, ce qui explique qu’elle soit très strictement encadrée, tant dans son usage que dans ses conséquences à l’égard de la personne expropriée.

 

La procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique permet d’obtenir, par l’intermédiaire d’une cession forcée, le transfert au profit de la personne publique, d’un bien immobilier appartenant jusqu’alors à un tiers.

 

Une telle expropriation, comme son nom l’indique, ne peut intervenir que pour un motif d’intérêt public, ou la réalisation d’un objectif d’utilité publique.

 

L’expropriation doit être systématiquement accompagnée du versement à l’exproprié, d’une indemnité « juste et préalable ».

 

Autrement formulé, cette indemnité non seulement doit intervenir avant toute prise de possession du bien, mais également être juste, soit ni sous-évaluée, ni surévaluée.

 

Sans entrer dans le fond du contentieux de l’expropriation, particulièrement dense et complexe, l’objet du présent article est d’attirer l’attention du lecteur sur les conséquences pouvant résulter d’une édification sur un terrain non constructible, lorsqu’une autorité administrative souhaite faire usage de son pouvoir d’expropriation.

 

 

L’ARRÊT DU 25/02/2024

 

C’est précisément dans cette situation que s’est récemment posée à la Cour de cassation la question de savoir comment doit être déterminée la « juste indemnité », portant sur l’aliénation d’un bien immobilier, édifié sans aucun droit.

 

La haute juridiction rappelle qu’en application des articles L. 311-8 et L.321-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, « les indemnités allouées (en matière d’expropriation) couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation ».

 

Elle rappelle également qu’en application de sa jurisprudence, « seul peut être indemnisé le préjudice reposant sur un droit juridiquement protégé au jour de l’expropriation » (3e Civ., 3 décembre 1975, pourvoi n° 75-70.061, Bull. n° 361 ; 3e Civ., 8 juin 2010, pourvoi n° 09-15.183 ; 3e Civ., 11 janvier 2023, pourvoi n° 21-23.792).

 

En conséquence, et conformément aux dispositions ci-avant rappelées, ainsi qu’à la jurisprudence de la Cour établi de longue date, faute pour le propriétaire de pouvoir invoquer « un droit juridiquement protégé au jour de l’expropriation, la dépossession d’une construction édifiée irrégulièrement et située sur une parcelle inconstructible, n’ouvre pas droit à indemnisation, même si toute action en démolition est prescrite à la date de l’expropriation » (Cass, 3ème civ., 15 février 2024, n°22-16.460).

 

En conséquence, le propriétaire placé dans une telle situation ne percevra, à titre d’indemnité, qu’une somme correspondant à la « juste » valeur de la parcelle inconstructible, fixée au jour de l’expropriation…

 

dernière modification le mardi, 20 février 2024 14:02