Durant sa longue existence, un bâtiment peut être appelé à évoluer dans son usage. En effet, le locataire ou le propriétaire peut décider de modifier (intégralement ou en partie) l’affectation d’un local en un autre. Ainsi, un entrepôt transformé en bureaux constitue un remarquable détournement de l’usage de ce bâtiment. Cette opération, dénommée changement de destination est de plus en plus courante de nos jours. Elle est régie par le code de l’urbanisme et devrait être précédée de formalités obligatoires. Lors de la vente d’un immeuble dont la destination pourrait ou a déjà évolué, il revient au notaire ou à l’agent immobilier d’effectuer quelques vérifications afin d’éviter tout conflit avec le code de l’urbanisme.
La notion de destination d’un immeuble et le changement de destination.
La notion de « destination » d’une construction est l’une des particularités du droit de l’urbanisme. Elle pourrait se définir comme la vocation première, la mission ou l’appel lié à cet édifice. Ainsi, selon le Code de l’Urbanisme (CDU) entré en vigueur le 28 décembre 2015, toute construction répond à une destination initiale, et même à une sous-destination. Aussi, l’article R151-27 dudit code définit formellement cinq destinations auxquelles doit répondre toute construction. Ce sont: « habitation », « équipement d’intérêt collectif et services publics », « exploitation agricole et forestière », «commerce et activités de service », et une dernière destination regroupant les « autres activités des secteurs secondaire et tertiaire ».
Une fois la destination du bâtiment établie, il est ensuite question de déterminer avec précision la sous-destination à laquelle s’identifie la construction. À cet effet, il est prévu pour chacune des cinq destinations initiales sus-citées une vingtaine de sous-destinations qui s’y rattachent.
Une changement de destination intervient dès lors que la construction passe de l’une vers une autre des catégories de destinations définies par le Code de l’Urbanisme. Ainsi lorsqu’un hangar agricole est transformé en un bâtiment d’habitation, cela constitue un changement de destination. Pareil lorsqu’un bâtiment d'habitation devient un commerce.
Comment change-t-on la destination de son immeuble ?
Le changement de destination ou de sous-destination d’un immeuble requiert des démarches administratives et formalités appropriées.
Le permis de construire.
Il est obligatoire pour tous les changements de destination ou de sous-destination suivi de « travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment » (art. R421-14 c) du CDU). C’est le cas par exemple de la transformation de locaux accueillant un restaurant (destination: « commerce et activités de service » ; sous-destination: « restauration ») en épicerie (même destination mais sous-destination « artisanat et commerce de détails ») ainsi que tous les travaux entraînant une modification des structures porteuses du bâtiment et de sa façade.
Une déclaration de travaux.
C’est le document nécessaire lorsque le changement s’effectue entre deux sous-destinations appartenant à des destinations principales différentes et n'entraînant pas des travaux ou dont les travaux ne modifient ni la façade ni les structures porteuses du bâtiment. C’est le cas par exemple d’un immeuble abritant les services administratifs et la direction d’une entreprise (sous-destination « bureau ») transformé en un cabinet d’avocats (dont la sous-destination est: « activités de service où s’effectue l’accueil d’une clientèle »)
Pas de formalité.
Aucune formalité n’est nécessaire lorsque le changement s’opère entre des sous-destinations appartenant à une même destination initiale. Dans ce cas aussi les travaux ne devraient pas modifier la façade ou les structures porteuses du bâtiment. C’est par exemple le cas d’un bâtiment industriel désaffecté, transformé pour servir d'entrepôt à une société spécialisée dans la logistique.
Rôle de l’agent immobilier dans la vente d’un bâtiment ayant évolué irrégulièrement.
Lors de la mise en vente d’un bien immobilier ayant évolué, il revient à l’agent immobilier de s’assurer que l’usage qui est fait de l’immeuble est conforme à sa destination initiale. Il pourrait s’en informer personnellement en allant faire un constat sur les lieux, vérifiant à l’occasion les travaux réalisés lors de l’adaptation de la construction à son nouvel emploi. Au cas où le changement d’usage aurait varié, il lui revient de déterminer si cela correspond à un changement de destination et si cette évolution de l’édifice nécessite ou non des formalités d’urbanisme.
Au cas où le vendeur serait en faute pour n’avoir pas réalisé les formalités administratives qui s’imposaient, l’agent immobilier devrait convier celui-ci à s’acquitter de ce devoir. Le notaire, également dans son rôle de conseiller devrait imposer la réalisation desdites formalités au vendeur comme condition préalable à la vente. Si rien n’est fait, la responsabilité pénale du vendeur pourrait être engagée jusqu’à six ans après la vente, comme prévu dans l’article L480-4 du CDU.
Dans ce cas, l’acquéreur doit être lui-aussi conscient que toute évolution ultérieure du bien pourrait éventuellement être remise en cause. Si le changement de sous-destination ou de destination était fait uniquement sur la base d’une préalable déclaration des travaux, alors les autorités ne pourront plus considérer cette irrégularité au bout d’un délai de dix ans après l’exécution des travaux (art. L421-9 du CDU). Par contre, si ladite transformation nécessitait l’obtention d’un permis de construire, alors le maire pourra exiger du propriétaire la régularisation préalable du bâtiment avant toute délivrance de nouvelle autorisation.
Ainsi, un bien vendu peut voir sa destinée remise en cause par son évolution irrégulière. L’agent immobilier, qui est une pièce centrale de ces opérations devrait donc faire preuve de clairvoyance afin d’éviter au mieux ce genre de désagrément !