Vous êtes nombreux à nous avoir demandé quelques éclaircissements concernant la fameuse ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 sur la prorogation des délais pendant la période d’urgence sanitaire.
Ce récent texte qui n’est pas spécifiquement dédié à l’immobilier impacte néanmoins notre secteur.
Le sujet a en effet fait les gros titres et provoqué de nombreuses angoisses. De nombreux articles sont parus dans différents journaux mais les termes complexes employés n’ont fait qu’augmenter l’inquiétude des professionnels de l’immobilier. Voici donc un article qui vous éclairera sur le sujet et répondra nous l’espérons à vos différentes interrogations.
Quel est l’objectif de cette ordonnance ?
L’objectif de cette ordonnance est de ne pas pénaliser des personnes engagées qui ne pourraient faire valoir un droit compte tenu du confinement imposé et ses différentes mesures. Un aménagement des délais a donc été proposé aux particuliers et entreprises concernées.
Quels sont les délais immobiliers concernés ?
Dans le secteur de l’immobilier, les délais concernés par cette ordonnance sont :
- le droit de rétraction « Hamon » : 14 jours offerts au mandant lorsque le mandat a été conclu hors établissement ou à distance
- le délai de rétractation SRU : 10 jours de réflexion offerts à l’acquéreur une fois le compromis signé
- le délai imparti à la commune pour faire valoir son droit de préemption urbain
Ce que dit l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 et l'ordonnance du 15 avril
L’article 1er de cette ordonnance explique que ces aménagements de délais concernent les « délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire ».
Donc si un délai SRU vient à expirer durant la période de « gel » visée par cette ordonnance, l’acquéreur bénéficiera d’un nouveau délai de 10 jours pour se rétracter à la fin de la période dite d’urgence sanitaire + un mois.
Ce qu’il faut bien comprendre c’est que pour la SRU par exemple, ou le délai Hamon, il s’agit-la d’ un délai complémentaire offert à l’acquéreur.
Cependant, un acquéreur souhaitant se passer de ce délai complémentaire peut tout à fait le faire, et acheter son bien avant l’expiration de ce délai. Le gouvernement l’a expliqué à plusieurs reprises : l’activité économique du pays ne doit pas s’arrêter ! Il est encore possible de signer des actes authentiques grâce à des outils à distance proposés par les notaires même si tous les notaires n’en sont pas à ce jour équipés…
Un nouvelle ordonnance est paru le 15 avril modifiant l'ordonnance du mars 2020 : cette nouvelle ordonnance précise que les délais de rétractation ou de réflexion ne sont finalement pas suspendus. (d'où la mise à jour de cet article). Cette nouvelle ordonnance très attendue vient ici clarifier la situation et confirmer la volonté du gouvernement de ne pas bloquer la signature des ventes.
Dans son discours Julien Denormandie a précisé « Notre priorité fin mars a d’abord été de sécuriser les droits que la période d’urgence sanitaire pouvait remettre en question. Sur certains aspects précis, l’ordonnance pouvait s’appliquer de manière trop générale et nécessitait d’être modifiée afin de ne pas de faire obstacle à l’activité des acteurs de la construction et de l’immobilier essentiels pour l’économie de notre pays et répondre aux besoins des Français."
Comment l’acquéreur peut-il renoncer à ce délai complémentaire ?
Selon l’analyse du CRIDON Nord-Est, institution au service du notariat, le bénéficiaire pourrait renoncer à son droit de rétractation complémentaire accordé par cette fameuse ordonnance par un acte écrit. En effet, Une renonciation à un droit, quelle qu’elle soit ne se présume pas, elle doit donc impérativement faire l’objet d’un écrit, postérieur à la naissance du droit auquel on renonce c’est-à-dire à l’expiration du délai traditionnel des 10 jours pour la SRU par exemple.
Cette solution dite « de bon sens » permettrait ainsi à qui le souhaite, d’acheter en réduisant les délais.
Bien évidemment, si l’acquéreur ne souhaite pas renoncer au nouveau délai qui lui est offert, il pourra prendre le temps de la réflexion avant de concrétiser son achat immobilier. Son délai de rétractation ne prendra alors fin que le 3 juillet 2020 et il sera impossible de passer outre ! Un amendement est ainsi vivement attendu par la profession… ----------------> l'ordonnance du 15 avril annule justement la suspension du délai de rétractation offert à l'acquéreur
Quelles conséquences sur le droit de préemption urbain (DPU)?
Le droit de préemption urbain (qui est traditionnellement de 2 mois) est bien impacté par cette ordonnance. Les mairies tournent en effet au ralenti et la présente ordonnance vient alors prolonger leur droit de préemption.
Pour les dossiers déposés avant le 12 mars et non échus, le droit de préhension est simplement suspendu jusqu’à la fin de l’état d’urgence augmentée d’un mois c’est-à-dire jusqu’au 25 juin (l’état d’urgence dure 2 mois à compter de la publication de la loi par le parlement. Dans le cas présent, l’état d’urgence a démarré le 24 mars).
Selon l'ordonnance du 25 mars 2020, Pour les dossiers déposés après le 12 mars, le délai ne commencerait seulement à courir que le 25 mai, c’est-à-dire à la fin de l’état d’urgence. Or rien n’empêche les mairies de donner leur réponse avant cette date. Certains professionnels de l’immobilier ont ainsi tenté d’obtenir des renonciations expresses de leur métropole, ou commune qui ont abouties ! Une nouvelle ordonnance a néanmoins été publiée le 15 avril rectifiant la précédente : bonne nouvelle, celle-ci fait tomber ce fameux mois "tampon" (le mois supplémentaire) au plus grand bonheur des professionnels de l'immobilier, les délais reprendront donc pour le temps qu’ils leur restaient à courir avant le début de la crise, à partir du 24 mai.
Qu’en est-il des conditions suspensives d’obtention d’un prêt ?
Les conditions suspensives d’obtention de prêt ne sont pas concernées par cette ordonnance.
Au vu des circonstances, il est toutefois vivement recommandé de signer un avenant au compromis de vente pour modifier ce fameux délai de 45 jours, qui pourrait être un peu « juste ». Avec une application d’édition de contrats cela ne vous prendra que quelques minutes : vous créez un nouveau contrat et vous le faites signer à distance à l’ensemble des parties via un système de signature électronique. (On vous explique tout ici).
Bien que les délais soient prolongés en raison d’absence administratives, la plupart des transactions ne manqueront pas d’aboutir !