Le décret n°2020 du 14 octobre 2020 publié au journal officiel du 17 octobre se veut un outil permettant de réduire, voire d'éliminer la discrimination au logement dont sont victimes certaines communautés. Et pour y arriver, tous les professionnels de l'immobilier (agents immobiliers, propriétaires, administrateurs de bien…) sont mis à contribution.
Le logement : reflet des crispations et tensions de la société
Il n'est pas exagéré de dire que l'accès au logement cristallise d'une certaine façon les problèmes auxquels la société est confrontée. En 2016, une agence immobilière avait publié une annonce de location dans laquelle il avait été spécifié pour le profil du locataire « pas de noir ». Plus récemment, en 2019, c'est SOS Racisme qui pointait du doigt les manquements des professionnels immobiliers.
C'est donc suite à ces multiples affaires révélant des cas de discrimination au logement et sous l'impulsion de l'ancien ministre de la ville et du Logement Julien Denormandie que le gouvernement, avec l'accord de syndicats comme la Fnaim, l'Unpi, l'Unis, Procivis/Immo de France… a décidé de poser des actes forts avec un nouveau texte.
En effet, l'État a pris conscience qu'il ne pouvait pas seul réussir à régler le problème et a donc décidé de travailler avec les professionnels pour une intermédiation, afin de lutter contre la discrimination entre particuliers.
Le décret du 14 octobre lance à partir du 1er mars 2021 un processus de formation continue et obligatoire des professionnels de l'immobilier sur la non-discrimination au logement. Selon le président de la Fnaim Jean-Marc Torrollion, il était important que les professionnels soient remis au cœur de la question pour faire avancer les choses dans le bon sens.
La formation des professionnels de l'immobilier
Rappelons que l'École Supérieure de l'Immobilier offre déjà des modules de formation pour lutter contre les discriminations au sein des professionnels du secteur afin de les alerter sur le phénomène. Mais désormais, à compter du 1er janvier 2021, au moins deux heures de formation sur la non-discrimination au logement et deux heures sur la déontologie générale doivent être incluses dans les 42 heures de formation.
Ces deux heures de formation continue devront être suivies sur une période de 3 années consécutives d'exercice.
Toutefois, le texte apporte une précision qui est que les titulaires d'une carte professionnelle expirant entre le 1er janvier et le 31 mars 2021 ont une obligation de formation sur la non-discrimination qui est d'une heure.
De fait, de leurs 42 heures de formation, ces derniers se doivent de justifier d'une heure de formation sur la non-discrimination au logement et de deux heures sur la déontologie générale.
Cette obligation de formation n'incombe pas qu'aux professionnels (agents immobiliers, administrateurs de biens, syndics de copropriété) mais aussi à d'autres catégories :
- Les représentants légaux et statutaires des personnes morales ;
- Les salariés et les agents indépendants exerçant sous une carte professionnelle ;
- Les dirigeants d'établissement ou de succursale ;
- Les collaborateurs.
La formation de toutes ces composantes du secteur est très importante pour assurer une meilleure égalité dans l'accès au logement.
Par ailleurs, la nouvelle ministre chargée du logement, Emmanuelle Wargon, et la ministre en charge de la Diversité et de l'égalité des chances ont rencontré avant la publication du décret (jeudi 1er octobre 2020) les principaux représentants des agences immobilières ainsi que l'association SOS Racisme.
Ensemble, avec les professionnels de l'immobilier (la Fnaim, Snpi, Unpi, Unis), ils ont signé une charte « La charte de lutte contre les discriminations dans l'accès au logement ». À travers cette charte, ils s'engagent, en plus des formations qu'ils dispensent, à « proposer régulièrement à leurs adhérents des espaces d'échange » mais aussi à « développer des indicateurs permettant de suivre le nombre de personnes formées à la non-discrimination chaque année ».
Ces différentes mesures s'inscrivent dans le rôle de tiers de confiance que doivent jouer les professionnels de l'immobilier comme le précise Jean-Marc Torrollion qui insiste aussi sur le fait que ce nouveau texte constitue une réelle avancée pour le secteur.
Rappelons tout de même que selon l'article 225-2 du Code pénal les pratiques discriminatoires restent des délits passibles de 3 années d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende. Malgré tout, reste à savoir si ce nouveau texte sera suffisant pour réduire la discrimination au logement.